La bataille de Marignan

1512-1514
Les années 1512 et 1513 ont été désastreuses pour la France. Malgré la pénible victoire de Ravenne, Louis XII perd en juin le Milanais. Maximilien Sforza redevient duc de Milan.

Presque toute l'Europe, emmenée par Marguerite d'Autriche et le pape Jules II, se ligue contre Louis XII (Ste-Ligue). Le traité signé entre les Suisses, l'Autriche, Milan, Venise, l'Espagne, le pape prévoit une attaque de la France par les Suisses et par l'Espagne1.
Seules la Savoie et Saluces restent aux côtés de la France.
Fin 1512, poussé par Marguerite d'Autriche, Henri VIII, roi d'Angleterre, adhère à la coalition.

Fin 1512, les Espagnols envahissent la Navarre, alliée de la France. Une armée française tente de s'y opposer (Bayard en fait partie), mais elle doit battre en retraite en abandonnant ses bagages et son artillerie.

Après la mort du pape Jules, très anti-français (février 1513 ), Louis XII essaye de récupérer le Milanais par la force, mais il essuie une sévère défaite à Novare en juin 1513 : au moins 5000 français sont tués, peut-être le double.

Mi-1513, le duc de Bourbon (qui sera fait connétable par Louis XII) négocie secrètement une alliance avec Venise qui sent monter le péril impérial.

En juin 1513, les Anglais, roi en tête, débarquent à Calais et assiègent Thérouanne. Ils sont rejoints par les impériaux (les Flamands de Marguerite d'Autriche) le 10 août. L'armée de secours française, cherchant à ravitailler la place, très mal approvisionnée, se fait battre à Guinegatte le 18 août. La défaite est due à l'indiscipline de la cavalerie, donc des nobles (journée des Eperons) ; Bayard est fait prisonnier, mais le roi payera sa rançon. Thérouanne se rend le 22 août 15132. Les Anglais prennent également Tournai.

Les Suisses assiègent Dijon en septembre 1513. La ville ne sera sauvée qu'avec la promesse d'une très forte rançon (400 000 écus que Louis XII ne paiera pas).

Entre temps, Anne de Bretagne cherche à assurer l'indépendance de la Bretagne et de sa fille Renée3 en mariant maintenant celle-ci à Ferdinand d'Espagne : cette union serait catastrophique pour la France, qui deviendrait cernée de tous côtés par l'empire austro-hispanique (certains textes parlent de pourparlers secrets entre Anne de Bretagne et l'Espagne sur le sujet).

1514. Mort d'Anne de Bretagne (en janvier, à 38 ans). La situation politique de la France s'éclaircit. Louis XII peut marier sa fille Claude à François d'Angoulême en mai (Anne était opposée à ce mariage, par haine de Louise de Savoie). Le pape s'alarme de la montée en puissance de l'Empire, qui possède également le royaume de Naples et encercle ses états ; lui et Louis XII se font des concessions.

Henri VIII (roi d'Angleterre) consent à une alliance avec la France (traité de Londres, août 1514) et donne sa sœur Marie (18 ans) en mariage à Louis XII (pour certains auteurs, c'est Longueville4 qui, prisonnier à Londres depuis Guinegatte, réussit à détacher Henri VIII de la Ligue). Le mariage a lieu à Abbeville le 9 octobre. Louis XII meurt 3 mois plus tard, le 1er janvier 1515 (54 ans).

1515
Le nouveau roi, François Ier, procède à des nominations. Ainsi, Bayard est nommé lieutenant général du Dauphiné le 20 janvier 1515.

La coalition de la Ste-Ligue commence à se disloquer. Venise, Gènes et l'Angleterre se sont ralliées à la France. L'Empereur a peu de moyens. Les seuls ennemis irréductibles en 1515 sont les Suisses, qui n'ont pas été payés, et Marguerite d'Autriche, régente de Flandres.

Au vu des préparatifs de François Ier qui réunit une imposante armée à Lyon puis à Grenoble et Briançon (2500 lances et 40 000 fantassins), 20 000 Suisses envahissent le Piémont pour garder les routes des cols.
Le duc de Savoie, Charles III, est resté fidèle à son neveu François 1er. Les Suisses veulent le déposséder. Le pape est d'accord pour nommer à sa place le cardinal de Sion Schiner (Guichenon, tome 2, p. 197).

L'armée française campe entre Grenoble et Briançon. Le roi quitte Lyon pour les Alpes. Un messager du roi d'Angleterre vient le dissuader de passer en Italie. Le roi passe outre.

Après la capture de Colonna et l'entrée en Italie de l'armée française, les Suisses quittent le Piémont et l'armée est ravitaillée par les Savoyards. François Ier arrive à Verceil (duché de Savoie) pour discuter de paix contre rançon avec les Suisses. Mais la discussion étant laborieuse, il laisse le soin de la poursuivre à Lautrec, au duc de Savoie (Charles III) et à son demi-frère, René.5

La bataille
L'armée française marche sur Milan, prend au passage Novare et Pavie. Trivulce parvient à Milan avant le roi et essaie de "composer". Pendant ce temps, Charles III et René ont conclu un traité avec les Suisses le 8 septembre à Galaratte près de Verceil : l'alliance franco-suisse devait durer la vie de François Ier et 10 ans après, moyennant un million d'écus ...

Mais d'autres Suisses arrivent, leur font rompre ce traité et marchent sur Monza, près de Milan (35 000 hommes) ; une partie des Suisses rentrent chez eux. Venise avec d'Alviane marche vers Lodi. Une armée espagnole part de Naples vers Milan et une autre de Florence ; elles arrivent à Plaisance, mais ne passent pas le Pô, par crainte des Vénitiens.


Armées : suisse (rouge), française (bleu), vénitienne (vert), italiennes et espagnole (jaune).

Les Suisses sont d'avis partagés sur la conduite à tenir, mais, le 13 septembre, le cardinal de Sion, Schiner, les exhorte, disant qu'ils ont toujours vaincu les Français. Les Suisses foncent alors sur le camp français, à San-Donato (16 km de Milan), malgré l'heure tardive6. Ils enfoncent les premières lignes de lansquenets (fantassins allemands) et prennent une partie de l'artillerie. Mais le roi se porte à leur secours avec la cavalerie. La tombée de la nuit n'arrête pas les combats. Vers 23 heures, une sorte de trêve laisse les troupes sur place, la lance au poing. Schiner fait ravitailler les Suisses. Le bruit se répand que les Français sont battus. Mais François Ier réorganise son artillerie et l'ensemble de ses troupes.

Les Suisses reprennent le combat au matin, mais avec trop de confiance et en désordre : l'artillerie de Genouillac et les archers soutiennent le choc, puis la cavalerie intervient. Dans la matinée, le général vénitien Alviano, appelé d'urgence, arrive, d'abord avec ses chevau-légers, puis avec son infanterie et prend les Suisses à revers. Finalement, les Suisses abandonnent le terrain en ordre avec leur artillerie et rentrent à Milan. Les Français ne les poursuivent pas. Seules deux compagnies périssent dans un incendie allumé par les chevau-légers vénitiens.

La bataille a été souvent confuse et le roi mis en danger. C'est Trivulce qui, malgré sa participation à 18 autres actions d'éclat, a appelé ce combat la Bataille des géants.

Les suites
Le bilan a été difficile à établir : 8 à 14 000 Suisses ont été tués et 3 à 6000 Français, dont d'Imbercourt et de nombreux fils de familles nobles.

Les Suisses quittent Milan en laissant 2000 soldats pour la défense du château (le donjon). Schiner part chercher du secours auprès de l'empereur. Milan-ville ouvira ses portes aux Français et paiera de fortes rançons ; les autres villes du Milanais se rallient au roi, qui fait célébrer des messes et édifier une chapelle sur place (elle existe toujours). François Ier fait jeter un pont sur le Pô en vue d'une attaque sur Plaisance et Parme, villes du domaine papal.

Le pape veut résister, mais demande au duc de Savoie de négocier pour lui : on conclut que François Ier prendra sous sa protection le pape et Florence, mais le pape lui cédera Parme et Plaisance (traité de Viterbe) puis signera un concordat (Bologne 1516). Le pape sera très satisfait du duc de Savoie et lui accorde l'érection de Chambéry et de Bourg en évêchés, satisfaisant ainsi une vieille revendication des ducs de Savoie. Comme il se doit, les évêques de Lyon et de Grenoble protestent ; le roi les soutient et obtient l'annulation de la bulle (décision papale).

Guichenon ne parle pas de l'adoubement (mais, en réalité, il parle peu de Marignan, p. 198). Il ne parle de Bayard que par citation de Mailles.

En novembre 1516, après un véritable marchandage (un million d'écus), François Ier et les Suisses concluent à Fribourg une paix perpétuelle.

Malgré la fidélité de la Savoie et la renonciation du duc à ses évêchés, François Ier relance les prétentions, de par sa mère, sur certains domaines de Savoie ; il menace de guerre Charles III, qui, décidément, mérite bien sur surnom de "le Bon", car, en 1524, il restera encore le seul allié des Français et les ravitaillera. Après la capture de François Ier à Pavie, le duc, beau-frère de Charles-Quint et oncle de François Ier, se propose d'aller négocier en Espagne la libération du roi, mais Louise préférera envoyer sa fille. Malgré tous les bons et loyaux services rendus à la France, Charles III sera attaqué par François Ier, décidément bien ingrat, qui annexera en 1536 tout le duché de Savoie, à part quelques places, dont Nice. Le fils de Charles, forcé de combattre dans les rangs impériaux, ne retrouvera son duché qu'au traité de Cateau-Cambrésis (1559).


Notes
1. Guichardin, Histoire de l'Italie, tome 2, p. 394.      Retour 

2. Autrefois ville importante, siège d'un riche évêché, avant-garde française en terre flamande, Thérouanne est détruite en 1513, à l'exception de ses nombreux couvents. La ville sera reconstruite par François 1er , mais reprise en 1553. Ses habitants seront alors massacrés ou déportés, la ville totalement rasée sur ordre de Charles Quint et recouverte de sel. Elle ne renaîtra qu'au 19e s.     Retour 

3. Renée de France, fille cadette de Louis XII et d'Anne de Bretagne, promise en 1513 à Charles Quint (selon Guichenon, tome 2, p.310, traité de Blois, ou en 1515, selon Jacquart, éd. Fayard, 1987, p.227), sera finalement mariée en 1528 par François Ier à Hercule d'Este, duc de Ferrare. Femme cultivée, favorable au protestantisme, en relation suivie avec Calvin, elle sera condamnée à la prison à vie par l'Inquisition, mais, ayant renié ses idées pour la forme, elle se sortira de ce mauvais pas. A la mort de son mari, elle s'établit en France à Montargis et fit de ce lieu un foyer de culture, d'humanisme, de tolérance, un refuge pour tous les persécutés par les religions. Elle eut Clément Marot pour secrétaire. Cette femme remarquable, mésalliée et maltraitée, contraste avec la cohorte des ses consœurs, Anne de Baujeu, Anne de Bretagne et surtout Louise de Savoie et Marguerite d'Autriche, femmes de pouvoir et d'intrigues, ne songeant qu'à se jalouser et s'entre-déchirer.     Retour 

4. Voir Augustin Calmet, Histoire universelle, sacrée et profane, tome 14, 1769, p. 475. Le duc de Longueville – ou Dunois III – sera nommé gouverneur du Dauphiné en octobre 1514 et sera donc le supérieur direct de Bayard, une fois lieutenant général. On cite son nom à propos de la tapisserie du château Bayard.     Retour 

5. René de Savoie, fils de Philippe de Bresse, s'était réfugié en France (donc auprès de sa sœur) après son bannissement par Marguerite d'Autriche. Fidèle serviteur de la France, il était devenu, comme son père, grand maître de France et avait reçu lui aussi l'ordre de St-Michel. Il est décédé en 1525 de ses blessures reçues à Pavie. Il est le beau-père du connétable Anne de Montmorency.     Retour 

6. Guillaume Paradin [dans Histoire de notre temps, 1558, p. 12] raconte que les Français ont attaqué Milan par le sud, de façon que le soleil de midi aveuglât les Suisses, renouvelant ainsi la ruse qui avait avantagé les Dauphinois dans la levée du siège de Varey en 1325.     Retour 

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