Le château Bayard

Le château est assis sur la colline de Brâme-Farine, l'un des balcons de Belledone, sur le territoire actuel de la commune de Pontcharra, dans la vallée du Grésivaudan. L'endroit, situé auparavant dans la paroisse d'Avalon, était appelé Bayard sans qu'on connaisse exactement la signification de ce nom (il existe en Isère un hameau appelé également le Bayard, 50 km au nord-ouest, près de Briord).

On distingue facilement le château depuis la vallée, à l'est de Pontcharra (à ne pas confondre avec l'élégante tour d'Avalon, située plus haut, un kilomètre environ au nord-est).

L'endroit faisait partie du Dauphiné, près de sa frontière avec la Savoie. Ces principautés, bien que relevant initialement toutes deux du Saint empire romain germanique, étaient presque continuellement en guerre. En 1349, le Dauphiné, ruiné par son prince Humbert II, a dû être vendu (on dit transporté ! ) au royaume de France. Les guerres ne cesseront pas pour autant.

Le château a été construit par l'arrière-grand-père du chevalier en 1404 et non sans mal. En effet, il avait négligé d'en demander l'autorisation au Dauphin (de France), comme c'était la règle pour la construction de toute maison-forte, surtout en zone frontalière. Auparavant, il était vice-châtelain d'Avalon, c'est-à-dire un représentant du seigneur du mandement d'Avalon.

Les habitants de ces contrées subissaient les guerres : les paysans étaient à chaque fois rançonnés, spoliés, décimés ; quant aux aristocrates, malgré la protection de leurs remparts, il leur fallait choisir leur camp, ce qui, en Grésivaudan, n'a pas toujours été facile, spécialement au temps de Louis XI. Selon le Loyal serviteur, les Terrail auraient soutenu le parti des rois de France depuis le 14e siècle et combattu pour eux. Il cite :
- Philippe, tué à Poitiers (1356),
- Pierre (I), tué à Azincourt (1415),
- Pierre (II), tué à Montlhéry (1465 ),
- Aymon, le père du chevalier, gravement blessé à Guinegate (1476).

Selon Guichenon, des documents savoisiens font état de la participation d'Aubert Terrail, grand-père de Philippe, au combat de Varey. Comme il s'agit d'une grande victoire dauphinoise, on peut penser que l'origine ou la confirmation de la noblesse des Terrail daterait de ce haut fait. La mort de Pierre II à Montlhéry confirmerait la loyauté des Terrail envers Louis XI, opposé à une faction de la noblesse dans la ligue du bien public .

Pierre Terrail est sans doute né et a passé son enfance dans ce château. En a-t-il été titulaire ? probablemant à un certain moment, puisqu'il a agrandit le domaine, mais ce n'est pas certain (cf. histoire de Bayard). On sait qu'après sa mort, le château a appartenu à son frère Georges, puis à la fille de Georges, Françoise, épouse Copier.

Elle n'a pas eu d'enfant et a vendu le domaine (et ses titres) en 1559 à Jean de Saint Marcel d'Avançon, ambassadeur à Rome (futur surintendant des finances sous Henri II), marié d'ailleurs à une fille Alleman.

Le mariage de sa fille Anne amène le château dans la famille de son mari, Balthazard de Simiane de Gordes (1581), puis dans celle des Simiane de la Coste (1677), seigneurs de Montbives et, enfin, à Jacques Durey de Noinville, leur gendre (1735). Depuis 1559, le château n'était plus habité ou très irrégulièrement ; il s'est donc beaucoup dégradé. Pendant les guerres de religion, il a servi de caserne temporaire aux troupes savoyardes et même de prison. Les batailles entre ces troupes et celles de Lesdiguières aux abords du château (1591) n'ont certainement pas amélioré son état1.
 

Après la Révolution

Le fils de Jacques Durey et de Françoise-Pauline de Simiane, Louis-Alphonse Durey de Noinville, émigré sous la Révolution, a été le dernier seigneur de Bayard. Ses biens ont été saisis et vendus en 1795. Un officier en garnison au fort de Barraux, le colonel Maurin, a voulu alors sauver les archives du château.


Le château en 1833, croquis de Debelle (BMG))
Il les a rassemblées dans dix caisses qu'il a expédiées à un ami parisien. Ces caisses ne sont jamais arrivées à destination. Ainsi ont disparu les archives de la famille Terrail.
Le château, lui, était en ruine bien avant la Révolution. Ses pierres avaient même servi de matériau de construction alentour, malgré les protestations de quelques érudits dauphinois (plus tard, en 1823, on en utilisera pour constituer le socle de la statue de Bayard, place St-André). Plusieurs propriétaires se sont succédés — huit entre 1795 et 1811 — mais ils n'ont ni habité ni restauré le château. Il en sera de même entre 1819 et 1854, avec le propriétaire Antoine Delandine de Saint-Esprit, auteur d'un livre sur Bayard et prête-nom du roi Charles X. Couvert de dettes, Delandine vend le domaine aux enchères ; c'est Jacques Raffin qui l'achète.

En 1858, le curé de Grignon, Jean-Baptiste Bertrand, s'y aménage une demeure pour sa retraite en réparant au mieux une partie de la bâtisse, avec l'accord et l'aide du propriétaire légal (Raffin).

Alphonse Daudet a visité le château en 1880. Il en a laissé un témoignage dans son roman Numa Roumestan, dans lequel c'est son [anti]-héros qui effectue cette visite depuis la station thermale d'Arvillars [Allevard]. Daudet nous donne quelques précisions : le château Bayard, dont les deux tours poivrières, piètrement restaurées, se distinguaient sur un plateau. [...] Une servante ..., aux ordres d’un vieux prêtre, ancien desservant des paroisses voisines, qui habite Château-Bayard, a la charge d’en laisser l’entrée libre aux touristes.

Le château a été classé monument historique en 1915.

En 1942, les papeteries de Moulin Vieux à Pontcharra, achètent la demeure au fils Raffin ; leur PDG, Paul Escarfail, va habiter, consolider et restaurer la maison. Il sera président des Amis de Bayard jusqu'en décembre 1993.

Le château appartiendra par la suite à plusieurs personnes privées. En 1975, sous le mandat de Jean Menetrey, la mairie de Pontcharra a signé un bail emphytéotique avec le propriétaire l'autorisant à installer un musée dans la maison carrée.

 

Un élément intéressant de la décoration du château a été sauvé vers 1807.
C'est la tapisserie de Château Bayard. Elle est conservée dans un musée londonien.

 


1. D'autant plus que Guillaume d'Avançon, frère d'Anne et évêque d'Embrun, aimait venir se reposer à Bayard. Or il était devenu le chef du parti ligueur, tant à Embrun qu'à Grenoble, et adversaire farouche de Lesdiguières.   Retour 
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