Le patrimoine de Château Bayard

L'inventaire de 1595

Dans son livre le Château et son domaine, l'historien Camille Monnet nous apprend l'existence d'un inventaire du château Bayard opéré par un notaire en 1595. Ce document a été retrouvé aux Archives de l'Isère dans les actes de Salvaing de Boissieu, notaire à Avalon, qui l'aurait recueilli d'un de ses prédécesseurs. Après avoir identifié ce document parmi une masse d'actes notariés, on en a photographié les pages, écrites en caractères peu lisibles (photo ci-dessous). Mme Bernadette Lévy, professeur de paléographie à l'IUAD, a bien voulu les déchiffrer.

On trouvera ci-dessous les deux-tiers de la première page (le document en compte 20).

  Premièrement dans la petite chambre un
trousiau de garde robbe à la chambre
troisiesme de la maison vieille * laquelle
ferme à clefz c’est treuvé ce que s’ensuit
* appelé le Pavillon

Premier unze arlles, un potz à mectre
cuyère en fert tant grandes que petites
bonnes et rompeues

Plus cinq aultres arlles de métal tant grandes
Que petites dont y en a deux rompues


Pour consulter l'intégralité de cet inventaire en écriture actuelle, cliquer ici (Archive 1595)

Nous n'avons que très peu modifié les termes employés dans cet inventaire, à part les majuscules en surnombre. Nous y avons ajouté cependant de nombreux points-virgules, sans lesquels il serait difficile de suivre l'énumération des biens. Enfin on proposera une traduction pour quelques mots inhabituels, souvent relatifs à des objets disparus. Nous remercions Michel Ségura pour son aide apportée dans la recherche de la signification de ces termes anciens.


Dans le reste de la page, nous tenterons de reconstituer le domaine de Bayard d'après les archives disponibles, en particulier d'après cet inventaire.

L'inventaire du mobilier

Dans cet inventaire, on trouve la liste des meubles, des objets usuels, domestiques ou agricoles, présents dans la demeure 71 ans après la mort de Bayard. Or, après lui, seuls son frère Georges et la fille de ce dernier, Françoise Copier, ont vraiment habité le château ; comme ils n'étaient pas riches, on peut penser qu'ils en ont peu modifié le contenu.

Le château sera ensuite vendu à Jean de Saint-Marcel-d'Avançon, qui en dote sa fille, mariée à un Simiane de Gordes. C'est à la mort de ce dernier que le notaire d'Avalon procède à cet inventaire. Les Simiane n'ont pas habité le château, mais leur frère, évêque d'Embrun, venait parfois s'y reposer. Le notaire décrit effectivement les chambres que l'évêque s'y était fait aménager. On constatera qu'il en avait lui-même peu modifié le contenu, puisque de nombreux outils agricoles figurent dans le relevé. Noter également qu'on y trouve la tapisserie, vieille, avec personnages, du temps de Charles VII. On peut admettre que ce document nous montre bien l'environnement dans lequel évoluait Bayard à Pontcharra, malgré une occupation militaire qui a causé de nombreux dégâts. A partir de l'énoncé des locaux dans ce document, on devrait pouvoir reconstituer l'organisation de la demeure et l'affectation des diverses pièces, à condition de disposer du plan actuel du château ou, tout au moins, de celui fourni par Paul Escarfail au moment de sa demande de reconstruction.

Reconstitution du plan du château en 1788

Ces deux plans permettent de se représenter la distribution des bâtiments dans le château ancien. Le plan de gauche est le fac-similé d'un document établi en 1788, dit plan géométral, disponible aux Archives de l'isère. Celui de droite a été composé à partir d'une publication de G. Letonnelier (Bull. Ac. delph, 5, 2, 1930). Sont encadrés de rouge les constructions subsistant en 1930. Les bâtiments sont ainsi désignés :
A, A' : tours ; B : entrée ; C : 3 étages, écurie au rez-de-chaussée ; C' : 3 étages, cuisine, cave et dépendances en rez-de-chaussée ; D : pavillon ; E : vinatier, cellier.

Dans l'inventaire, on relève les pièces suivantes :
Dans le pavillon ou maison vieille, au moins 5 chambres, dont une d'armes, une galerie, des arrière-chambres, des tours quasi-vides (sans doute des pièces rondes dans les tours faisant communiquer les chambres). Au total, près de 20 lits (peut-être parce que le château a servi de caserne).
Toujours dans le pavillon, une salle à manger.
L'évêque s'était aménagé 2 chambres (dont une avec la tapisserie médiévale), une antichambre et une pièce pour ses sujets (?). Il se peut que cette suite soit située entre le pavillon et une salle appelée magasin non décrite.
Le notaire parle d'un 5e étage. Il est difficile de s'y retrouver dans ce texte. La description est loin d'être rationnelle. Il est vrai que Descartes est née l'année suivante !

 

L'inventaire des terres
De même, à partir de la description des terrains possédés par Gordes et dont on peut lire le texte dans l'archive, on devrait pouvoir, avec l'aide des cadastres actuels de Poncharra et de Saint-Maximin, situer ces terres et, donc, les possessions de Bayard dont la superficie s'élevait à près de 32 hectares, valeur excédant de beaucoup celle qu'attribue Camille Monnet aux biens du père de Bayard.

Terres :
1. Ung journal de terre soubz Puyet confrontant Noble Paul Boiton du levant, honneste Claude Besson du couchant [0,2512 ha].
2. Env. 5 journaulz terre que joygnent aultre effeyges en pré vers la Croix de Bayard confrontant à deux chemins du levant, vent et bize se de Bernin et Pariers du couchant [1,256 ha].

Vignes
3. 24 journeaux de vigne situé à l’entour du Château de Bayard confrontant l’alée du dict Bayard avec le vingtain du dict Château et les hoyrs de Noble Jacques de Gerboys du couchant le verger et Jardin de Bayard et le Rif du Mas du levant le Vyellet [sentier] alant de Bayard à Chaffardon avec les Hoyrs du dict Gerboys du vent le chemin allant de la Combe à Pontcharra [donc borde l'Histoire de bize. Cette pièce, de 300 m sur 200 m, serait donc comprise entre l'allée du château (longueur 300m), le rif du Mas (et le lieudit "verger de Bayard"), la route actuelle de Bayard (ici chemin de la Combe) et le château. Superficie 6,03 ha]
4. 1 journal de vigne acquise en troys acquestz de Pierre Thouard et de Claude Thouard situé au dessoubz Bayard près l’aultre pièce sus confrontée, confrontant le Rif du Cerant les hoyrs de Noble Jacques de Gerboys du couchant, le viollet allant à Chaffardon de bize Anthoine et Jacques Martin du vent [0,25 ha, page 16a].
[il manque la fraction de page 16c : 4 journaux (1 ha)].

Prés
5. une pièce pré verger et jardin tout joinct ensemble contenant environ 6 journeaulz situé au dessus le Château de Bayard confrontant la vigne en premier lieu confinée du couchant et du vent le Rifz du mas du levant [donc à l'est du château. 1,5 ha]
6. aultre pièce pré verger joignant audict Château confrontant les hoyrs de Noble Jacques de Gerboys François Serant du couchant le dict Château avec son allée du levant [page 17a&b, pas de superficie].
7. 1 sesterée pré et chenevière située au lieu susdict aux moulins vieulz confrontant la Byallière du levant le Sieur de Bernin de Bize [ 0,38 ha ].
8. env. 4 sesterées pré situé aux Plancher confrontant Damoiselle Anthoinette de Serant de bize et avec parier du levant Noble Paul Berton du couchant [ 1,5 ha].
9. aultre pièce de pré appellé Le pré de la Chapelle contenant environ 6 sesterées confrontant le chemin allant de Pontcharra au port de la Gache de vers la Bialliere du Martinet du port du couchant le Martinet de Poncharra du levant [pages 17c & 18a, la Béalière des M. va de la Scie au "pont" de la Gâche, 2,26 ha].
10. env. 13 sesterées pré situé lieu dict « à la Lengrera » confrontant Noble Paul Berton et la rivière du Bréda de Bize, la bialière et pariers du vent Noble Pierre Blanc du couchant [page 18a, entre Béalière et Bréda : 4,9 ha] .
11. aultre pièce de pré avec une grange dans estant contenant environ 18 sesterées situé a lermitance, confrontant la rivière du Bréda du vent brassière d’ysere du couchant le rieu de Santereau et parriers de bize [confluent Isère-Bréda ,côté Ages : 6,78 ha].
12. aultre pièce de pré situé lieudict "en pré Riondet" contenant environ 5 sesterées confrontant le boys de Coyse et du Verney de toutes parts [1,88 ha].

Chastagnereys
13 - (0,19 ha) : env. demy journal chastagnerey située en Plunimiel acquis de Barthelemy Derrion jouste ses confins [0,19 ha].
14 - le château ou maison de Bayard four, cour, jardinet plassage tout joinct ensemble.

Soit 28,1 ha.

Essai de reconstitution du domaine

Sur le cadastre de Poncharra, dit napoléonien et datant de 1838, on a marqué en rouge l'implantation du château ainsi que le numéro des parcelles appartenant à Delandine, propriétaire officiel du château en 1838 (liste ci-contre relevée dans les matrices cadastrales de Pontcharra).

A partir de leur situation et de leur superficie, on a également tenté de marquer (en bleu) les parcelles appartenant à Gordes au moment de l'inventaire de 1595. Leur étendue est bien inférieure à celle des biens de Delandine, ce qui laisserait supposer que les Simiane ou les Noinville aient pu procéder à des acquisitions, car le domaine ne s'est pas agrandi après la Révolution, bien au contraire.

Cette liste n'est pas en accord avec l'inventaire de 1595 qui attribue à Gordes près de 30 ha, mais elle correspond étrangement au décompte de Camille Monnet pour qui le père de Bayard, 350 ans avant le présent relevé, possédait environ 7 ha. Doit-en en conclure que les propriétaires post-révolutionnaires n'ont cherché à maintenir ou à reconstituer que le seul noyau dur du domaine, précisément celui dont Bayard avait hérité de ses aïeux ?

Dans ces matrices, il est indiqué que l'hectare vaut 2389 toises [carrées] et le journal 600 toises .
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