Editorial

Moderato cantabile
Un site sur Bayard ?

Pourquoi pas ? Il s'agit de notre histoire et, pour comprendre le présent, il faut connaître son passé. Et a fortiori quand il s'agit d'un passé digne d'intérêt et même plein d'enseignements, on ne devrait pas faire l'économie de son rappel. C'est d'autant plus nécessaire que l'histoire de cette époque n'est plus guère enseignée à l'école.

L'auteur a été membre pendant plusieurs années de l'association Les amis de Bayard ; il a lu plusieurs ouvrages sur le chevalier et consulté de nombreuses archives. Certains de ces travaux n'ayant pas donné lieu à publication, ce site tentera de réparer cette omission. Cela lui a paru d'autant souhaitable qu'il a émis plusieurs idées originales se démarquant des nombreux ouvrages sur Bayard ne faisant que reprendre le récit fantasmagorique du Loyal serviteur, sans se soucier de recourir aux documents d'archives.

Certes Bayard était d'abord un militaire et notre siècle a fini par comprendre que la guerre offensive est absurde et ne résoud aucun problème. Or Bayard s'est comporté beaucoup plus en assaillant qu'en défenseur – si l'on excepte les épisodes de Guinegatte et de Mézières. La lecture des Chroniques de Jean d'Auton est particulièrement édifiante : l'armée de Louis XII enchaînait massacre sur massacre ; après la prise d'une ville, ses défenseurs sont passés au fil de l'épée, les soudards emportent tout ce qu'ils peuvent, les femmes et les enfants périssent dans l'incendie généralisé allumé par les vainqueurs.

Cependant, on ne peut pas reprocher à Bayard d'avoir voulu s'élever au-dessus de la condition de ses pères. L'ambition est légitime tant qu'elle n'écrase pas le voisin. Or, du temps de Bayard, comment émerger de la paysannerie ou même d'une obscure noblesse terrienne ? Il aurait pu peut-être devenir médecin, comme son cousin Champier, ou avocat comme Aymar du Rivail, mais cela exigeait des études et quiconque n'avait pas appris à lire dès son jeune âge ne pouvait pas prétendre aux cours des universités.

Pouvait-il alors devenir artisan ou travailleur de la terre ? Pour l'époque, ç'aurait été déroger à sa condition de noble. Il ne lui restait que peu de possibilités, d'autant plus que la chevalerie était, depuis des siècles, la voie royale conduisant les hobereaux à l'aristocratie. On pense d'ailleurs qu'il a été élevé dans cet esprit. Or, à cette époque, surtout sous l'effet des troubadours et de l'amour courtois, la chevalerie s'était dotée de valeurs humaines qui faisaient de ses adeptes les élites du moment.

Bayard est de ceux qui ont porté à leur apogée l'esprit de chevalerie et une certaine noblesse dans la guerre. Il pourrait nous aider à comprendre comment ces soldats pouvaient passer d'une cour d'amour raffinée à l'effroyable tuerie succédant à la prise d'une ville. Il est écrit que Bayard a plusieurs fois interdit les exactions sur les civils, les massacres et les pillages. La légende veut même qu'il ait préservé de telles horreurs une famille de Brescia. C'est à ce titre qu'il nous intéresse ; il pourrait nous aider à comprendre ce qu'était la chevalerie et l'esprit chevaleresque, auquel on fait encore souvent référence à l'heure actuelle. Cependant, dans ces pages, on essaiera de faire la part des faits et celle des légendes qui, inévitablement, se sont greffées sur l'histoire de ces élites et sur le nom de Bayard.

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