Jeanne Terrail, la fille de Bayard
Nous possédons l'acte de mariage de Jeanne avec François de Bocsozel, en 1525 (arch. de Lyon, fonds Morin-Pons), un peu plus d'un an après la mort de son père. Cet acte a été rédigé par le notaire Jacques de Mailles (identifié avec le Loyal serviteur). A ce mariage, assistaient ses deux oncles évêques et des nobles du Dauphiné dont Aymar du Rivail. Jeanne est désignée dans cet acte comme fille de Bayard, sans mention de sa mère.
En 1513, Bayard se faisait soigner à Grenoble après une grave blessure reçue à Pavie. La reine de France, Anne de Bretagne, écrit à l'évêque de Grenoble, Laurent Allemand, oncle de Bayard, pour s'informer de la santé du blessé, lui proposer ses propres médecins et évoquer son mariage. L'évêque a répondu à la reine qu'il [Bayard] ne scet encores que veult dire se marier. Il laisse entendre ensuite assez obscurément que Bayard auraient plusieurs filles, de mères différentes. Or il n'existe aucun autre texte qui attribue des sœurs à Jeanne et aucune n'est citée dans son acte de mariage.
Aucun des deux premiers biographes de Bayard n'accordent la moindre mention à Jeanne, ni d'ailleurs à un quelconque enfant de Bayard. Le juriste Expilly en 1621, a réédité l'ouvrage du Loyal serviteur. Il a voulu y ajouter quelques pages personnelles dont un commentaire sur la mère de Jeanne. Il semble qu'il se soit informé auprès de ses petits-enfants : ceux-ci lui auraient affirmé que leur arrière-grand-mère était une noble italienne, nommée Barbe Trecchi (ou de Trèque), et que Bayard lui aurait promis le mariage sans pouvoir honorer son engagement : ceux de la maison de Trèque font voir quelques lettres du chevalier Bayard, par lesquelles il faisait espérer à cette damoiselle qu'il l'épouserait. Il s'avérera par la suite (fin du 19e s.) que cette lettre était un faux 1.
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Voilà tout ce que les textes de l'époque nous apprennent sur Jeanne Terrail de Bayard. Cependant, au 20e siècle, André Baroz, pour rédiger son livre Chevaliers de Malte en Dauphiné, a étudié les preuves de noblesse des chevaliers de Malte. L'un d'eux, François de Bocsozel-Montgontier, est l'arrière-petit-fils de Jeanne. Pour être admis dans cet ordre, il fallait faire preuve d'au moins 8 quartiers de noblesse, sans aucune bâtardise, excepté pour les descendants de rois ou de princes régnants. Or les examinateurs de Malte – habituellement très sévères – n'ont émis aucune réserve en 1631 sur les preuves fournies par ce candidat, qui a donc été admis. Cette admission est extrêmement troublante et penche pour une bâtardise princière de Jeanne. Ci-contre, La fille cachée de Bayard, par André Baroz, dessin de D. Ardouin |
Camille Monnet reprend la question dans son ouvrage. Il montre que Barbe Trecchi n'a jamais existé ou, en tout cas, pas dans les familles nobles d'Italie. De même, il réfute la candidature de Bernardine de Frusasco pour des raisons historiques, car Frusasco ne s'est marié qu'une fois et ce, bien plus tard. Il réfute également la maternité de la duchesse, non pour des raisons historiques, mais pour des considérations morales : une duchesse de Savoie comme elle ne pouvait pas se compromettre avec un simple chevalier, par ailleurs encore peu connu.
Jean Jacquart, auteur d'un Bayard, en 1987, penche pour tout simplement une Dauphinoise (page 325).
Selon André Baroz, le chroniqueur Guillaume Paradin [1510-1590] raconte que Bayard a effectué des séjours à Carignan – le Loyal serviteur le dit aussi – et qu'alors le chevalier et la duchesse devisaient souvent ensemble fort avant dans la nuit. Noter aussi que, plus tard, Bayard a assisté aux funérailles de Blanche.
Dans le compte-rendu du colloque d'Aiguilles (Bayard en Queyras, 2000, p. 95), Gérard Perrin-Gouron cherche à savoir si Bayard et Blanche de Savoie n'auraient pas été unis par un mariage morganatique célébré discrètement par l'un des frères du chevalier ; il avait en effet deux frères prêtres – et même évêques – et, à cette époque, il n'y avait pas de mariage civil.
La duchesse Blanche est la bonne candidate. Bayard et elle se sont connus en 1486 ; elle avait 14 ans et lui sans doute un ou deux de moins. Il ne faudrait pas oublier que ces deux êtres se croyaient encore au moyen-âge. Or cette époque était celle de la chevalerie et de l'amour courtois, la fin'amor, qui s'élevait souvent, selon la tradition, entre un jeune chevalier, plutôt pauvre, célibataire, et une dame de haut rang, suzeraine en principe inaccessible et souvent mariée.
Pour prouver cette hypothèse, il faudrait recourir à l'ADN. En obtenir des descendants avérés de Jeanne serait déjà difficile, comme on le verra ci-dessous. Il serait encore plus difficile d'obtenir de l'ADN de Blanche. Une tombe marquée à son nom se trouve bien à l'intérieur de l'église des Augustins à Carignan, mais il n'est pas sûr que cette tombe soit restée inviolée. On pourrait aussi s'intéresser aux tombes de la famille Paléologue à Verceil, mais la probabilité de succès est très faible.
Jeanne, mariée à François de Bocsozel en 1525, a eu 5 enfants. Comme on l'a dit plus haut, seul Soffrey aurait continué la lignée, la descendance avérée.
Pourquoi avérée ? Tout d'abord, on connaît les chefs de la famille à chaque génération, tous nobles portant le nom de Bocsozel et figurant dans les généalogies nobiliaires de l'époque. On sait pourtant que ces généalogies étaient parfois arrangées (i.e. falsifiées) par des notaires peu scrupuleux. Mais les preuves de Malte, rapportées par André Baroz, comme il est dit ci-dessus, constituent une garantie autrement solide du lien entre Jeanne et la famille Bocsozel-Montgontier, puisque plusieurs de ses membres ont été admis dans l'ordre de Malte. Dans des écrits du début de la Restauration, il est dit que la dernière représentante de cette famille, Anne-Sophie de Bocsozel (1754-1834), baronne d'Anthénas, assiste à l'inauguration de la statue de son ancêtre Bayard à Grenoble, place St-André en juin 1823. Mais on sait qu'elle a eu un fils, Nicolas Perrin d'Anthénas, qui, lui, est bien le dernier de la lignée. Il est enterré à Belmont, petit village à 10 km environ au nord de Pont-de-Beauvoisin.
Il est illusoire de penser retrouver les restes d'Anne-Sophie, car elle a été enterrée à Chambéry, dans un cimetière complètement ravagé par les bombardements de 1944. Quant à son fils Nicolas, les registres attestent de son inhumation dans le cimetière de Belmont. Or c'est sur l'emprise de ce cimetière qu'a probablement empiété la nouvelle église de Belmont, construite peu après son décès. Son corps aurait-il alors transféré dans l'église ? Ce n'est pas impossible, car son épouse avait largement financé cet agrandissement. Une plaque mortuaire, couchée dans l'église, porte son nom. Mais les registres du village ne mentionnent pas un tel transfert.
Une descendance possible de Bayard
Après 1600, les registres paroissiaux devenant plus accessibles, on peut établir, à partir de Dimanche de Bocsozel-Perreton, plusieurs listes de descendants aboutissant à des familles actuelles. Par exemple, celles-ci :
Nom | naissance-décès | mariage | conjoint | conjoint | notes |
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Jeanne Terrail | ~1501 - ~1560 | 1525 | François de Bocsozel | ~1480-1532 | |
Soffrey de Bocsozel | ~1530-~1595 | ~1565 | Bonne de Murinais | ~1551-.. | fils. *Blackey, Merlantjp2 |
Dimanche de Bocsozel | ~1565-.. | Michel Perreton | ~1565-.. | fille. * | |
Emonet Perreton | ~1590 | . | Jeanne Forest | fils * | |
Nicolas Perreton | ~1610 Gillonnay | . | Marguerite Latoud | 1623-.. | fils * |
Joseph Perreton | ~1640 Nantoin 1723 Gillonnay | 1664 | Philippa Vachier | 1645-.. | fils *P.Rey |
Françoise Perreton | 1688 Gillonnay 1760 St Hillaire | 1709 | Antoine Jacquier | 1684-1769 | fille. 12 enfants, St-Hilaire *J. Maurice, JHem |
Mathieu Jacquier | 1713 St Hillaire 1796 St Hillaire | 1789 | Marguerite Glandut | 1717 Tullins-.. | fils. 8 enfants, notaire. *JMaurice & Archambaud |
Pierre Jacquier I | 1745 St Hilaire de la Côte 1821 Brézins | 1774 | Françoise Jacquier | 1759-1797 | fils. 10 enfants *AHector1 |
Pierre Jacquier II | 1778 Brézins 1825 Brézins | 1810 | Elisabeth-Dorothée de la Balme | 1779-... | fils. * |
Pierre Jacquier III | 1818 Brézins † 1896 | Jenny Hélie | ~1817-1874 | fils. Ingénieur AM, 5 enf. *Archamb | |
Clémence Jacquier | 1850 Grenoble | Eugène-Charles Pitois | 1834-1905 | fille, mari colonel, 5 enf. * | |
Maximillien Pitois | 1876-1937 Marakech | 1907 | Thérèse S. du Mont | 1883-1964 | fils. *Archamb, & HChanliaud1 |
Colette Pitois | 1913 Sète - 2013 Agonès (34) | 1934 Marakech | Jean Rames | 1908-1996 Montpellier | fille. 5 enfants *HChanliaud1 |
Autre branche
Jeanne Terrail | ~1501 - ~1560 | 1525 | François de Bocsozel | ~1480-1532 | |
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.. | .. | .. | .. | ||
Pierre Jacquier II | 1778 Brézins 1825 Brézins | 1810 | Elisabeth-Dorothée de la Balme | 1779 -... | fils. * |
Pierre Jacquier III | 1818 Brézins - 1896 | . | Jenny Hélie | ~1817-1874 | Ingénieur 5 enfants *Archamb. |
Gaston Jacquier | 1854 Gières 1929 Joanesbourg | 1878 Gières | Amélie Morellet | 1855-1940 | fils, *H.Chanliaud1 |
Henri-Gaston Jacquier de Moncla | (1889 Gières 1975 inhumé à Gières) | 1893 1929 | MarieCaroline Gabrielle | [2 mariages] | fils, 6 enfants, * |
Sylvie (Vivette) Jacquier de Moncla | . | . | Pierre-Philippe Chanliaud | . | fille, 3 enfants , * |
Gelly-Georges Jacquier de Moncla | . | . | Marie-Françoise Viguier | . | ½frère de Sylvie 5 filles * |